Sorrowland, de Rivers Solomon

Depuis que j’ai découvert Rivers Solomon avec Les Abysses, il est devenu évident que cet auteur ferait désormais partie de ceux dont j’attendrai chaque nouvelle parution avec une dévorante impatience.

Sorrowland est paru avant-hier et c’est une merveille.

Le résumé

Vern est enceinte et décide de s’échapper de la secte où elle a été élevée. Cachée dans une forêt, elle donne naissance à des jumeaux, et prévoit de les élever loin de l’influence du monde extérieur.

Mais, dans la forêt, Vern reste une proie, forcée à survivre en pleine nature, elle montre une brutalité terrifiante, résultat de changements étranges et inexplicables que son corps traverse.

Pour comprendre sa métamorphose et protéger sa famille, Vern doit affronter le passé et l’avenir, trouver la vérité signifiera découvrir les secrets de la secte qu’elle a fui, mais aussi l’histoire violente de ces Etats-Unis qui l’ont produite.

Traduction de l’anglais par Francis Guévremont

Ce que j’en dis …

Avec Les Abysses, j’avais connu une expérience d’empathie esthétique assez rare pour être soulignée. Ce choc m’avait poussé à découvrir L’incivilité des fantômes qui avait puissamment confirmé mon admiration pour Rivers Solomon. Dès lors, j’attendais de découvrir Sorrowland dans sa version française rendue possible grâce aux éditions Aux Forges de Vulcain, éditeur français de l’auteur.

Ce troisième roman est encore plus réussi que les deux précédents, et ce n’est pas peu dire. On y retrouve certaine des thématiques abordées dans les deux premiers ouvrages : le racisme, l’homophobie, la marginalisation, pour ne citer que ceux-là. Mais Sorrowland est indéniablement le plus explicite.

Les premiers romans étaient plus oniriques. Les univers dans lesquels se situaient les récits demandaient sans doute un effort plus grand de la part du lecteur pour que l’identification s’opère tout à fait. Ici, bien que la première partie soit encore marquée par cet aspect, l’ensemble du roman est plus populaire au sens positif du terme.

Rivers Solomon exprime sa pensée, sa vision du monde et particulièrement des Etats-Unis, d’une façon plus précise, moins allégorique et farouchement incisive.

L’histoire quant à elle, est une merveille de la littérature de l’imaginaire : gothique et science-fictionnesque, délicieusement inclassable, difficilement identifiable, elle séduira sans doute les amateurs de Stephen King, Ridley Scott et Night Shyamalan.

Mais Sorrowland traite surtout, en profondeur, de l’importante question de la domination.

La domination de l’homme sur la femme. D’un individu sur un autre. D’un peuple, d’un état, d’une cause. La domination d’un gouvernement, d’une religion, d’un chef spirituel.

Existe-t-il une forme de domination qui soit juste et acceptable, une authentique souveraineté ?

L’amour donne-t-il le droit à l’appropriation ?

Rivers Solomon conteste, condamne et désapprouve, elle ne se contente pas d’interroger et c’est sans doute ce qui rebute ses détracteurs. Mais cette question de la domination et celle sous-entendue de la souveraineté demeurent des notions fondamentales, à interroger avec empressement. D’elles découle la possibilité, ou non, de la liberté et de l’autodétermination de l’individu et des peuples.

On peut peut-être aussi lire Sorrowland sans se sentir envahi par ce questionnement, mais qu’il est bon d’avoir les yeux grands ouverts !

Sorrowland, de Rivers Solomon est édité par Aux Forges de Vulcain.

Le livre broché, magnifique, de 510 pages, coûte 20€.

Date de parution : le 13 mai 2022.

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