Chez moi vit la violence, d’ Isabelle Seret

Au programme de la rentrée littéraire 2022 de La manufacture de livres figure ce récit se situant à mi-chemin entre l’essai sociologique et le roman autobiographique.

Une victimologue à l’écoute des auteurs de violences familiales.

Bouleversant.

Chez moi vit la violence, d’Isabelle Seret

Le résumé

Une victimologue anime un groupe de parole qui rassemble des auteurs de violences intrafamiliales. En attente de jugement ou de réinsertion, ces hommes dévoilent peu à peu leur vécu, les certitudes qui les animent, parlent de leurs failles, de leur besoin de dominer et de punir, des amitiés qu’ils développent dans leur foyer spécialisé… Au fil des ateliers, confrontée à leurs expériences et à leurs propos parfois dérangeants, l’autrice s’interroge sur sa propre histoire. Qu’est-ce qui a pu la conduire à écouter des récits ? Qu’en est-il des violences qu’elle-même a vécues, en tant qu’enfant, que femme, que mère ? Comment pousser ces hommes à reconnaître et assumer leur passé violent, puis à se reconstruire autrement ?

Au coeur des débats contemporains, ce livre, inspiré des multiples expériences vécues par Isabelle Seret, permet d’entrer dans l’histoire singulière de chacun, de comprendre ce qui produit la violence. Ici, l’objectif est politique pour tenter de mettre fin à ce qui ne devrait pas être.

Ce que j’en dis…

En ouvrant ce livre, je m’attendais surtout à lire un ouvrage de sociologie, utile pour décrypter le phénomène détestable et ô combien répandu de la violence familiale.

Autrement dit, je supposais une approche intellectuelle et factuelle, ce dont je me serais pleinement contenté. Mais Isabelle Seret a dépassé mes attentes, bouleversant la vision manichéenne que malgré moi et sans même en avoir conscience je portais sur le thème considéré.

Peut-on relativiser quelque chose d’aussi grave que la violence conjugale ?

A priori non. Mais l’esprit malléable réagit forcément à cette première évidence confidentielle : il existe une différence entre l’auteur de violence et l’acteur de violence. Le premier est un instigateur, le second un pantin. Or, la plupart des hommes violents (fictifs mais inspirés par une expérience concrète) de ce récit sont des pantins.

La question devient alors de savoir ce qui les anime.

Presque systématiquement, le plus important réside dans le décor. L’environnement misérable, l’alcoolisme, les difficultés de la verbalisation. La violence n’est souvent pas une action mais une réaction. Une réaction par défaut, une expression d’incompétence et de désespoir…

S’agit-il dès lors de l’excuser, voire de l’accepter ?

Non, il s’agit de la comprendre mieux pour la combattre plus efficacement.

Voilà donc un livre bougrement intelligent.

Mais ce n’est pas en cela qu’il m’a le plus subjugué.

On touche au sublime lorsqu’Isabelle Seret, tout doucement, discrètement, pas à pas, lève le voile sur sa propre histoire. Sans aucune volonté exhibitionniste ou égocentrisme mais parce qu’elle réalise au fur et à mesure de l’écriture que son propre rapport à la violence n’est pas aussi unidirectionnel qu’elle aimerait le croire.

Ce qui commence avec le détachement affectif propre à l’essai s’achève dans la touchante sincérité d’un témoignage authentique et terriblement introspectif.

Le livre refermé, chacun sera libre de s’interroger, de s’analyser sur son rapport à la violence, de se situer et de se prendre en main.

Pantin violent ou acteur de paix ?

Il n’existe pas de déterminisme social, à condition d’être désireux de se battre contre ses propres faiblesses, soient-elles induites par notre environnement et notre éducation.

Quelques mots sur l’autrice

Isabelle Seret est intervenante en sociologie clinique et formée à la victimologie appliquée. Elle accompagne des familles concernées par la radicalisation violente et des personnes victimes d’attentats pour les mobiliser dans des programmes de prévention. Elle accompagne aussi des personnes victimes et des auteurs de violences intrafamiliales.

Chez moi vit la violence, d’Isabelle Seret.
Une victimologue à l’écoute des auteurs de violences familiales.
Édité par La manufacture de livres.
Le livre broché de 270 pages est vendu 16€.
Paru le 1er septembre 2022.

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