L’air du monde est indéniablement vicié, mais est-il possible de faire de ce concept un roman attractif?

Victor Kathémo, auteur prolifique originaire de la République Démocratique du Congo, propose un livre d’une grande originalité qui donne à réfléchir sur les rapports humains rendus difficiles dans l’époque troublée à laquelle nous vivons.

Le résumé

Jérôme Jauréguy est un Français moyen qui occupait un poste d’opérateur de presse en imprimerie. Par son travail, il apportait un souffle vital à la poésie, aux rêves et aux idées. Un licenciement économique va briser sa vie. Se sentant abandonné par le monde, il ne réussira à trouver le salut qu’en plongeant innocemment dans l’univers enfantin pour se laisser porter par sa pureté et sa générosité.

Ce que j’en dis …

J’ai toujours beaucoup de plaisir à découvrir de nouveaux auteurs et de nouvelles maisons d’édition.

Ainsi les éditions Myriapode et Victor Kathémo se sont-ils présentés à moi il y a quelques semaines et L’air du monde a patienté un peu sur mon chevet, attendant son tour.

Outre la qualité du papier et la charte graphique qui m’ont tout de suite séduit, mais ce sont des détails, j’ai surtout été frappé par la qualité de la langue mise en œuvre.

Alors qu’il est devenu usuel de se passer du passé simple dans la mesure où beaucoup de lecteurs estiment ce temps suranné, Victor Kathémo l’utilise avec brio ainsi que le subjonctif sans honte et sans gène.

Il en ressort un texte exigeant, au vocabulaire pointu et à la syntaxe parfois inhabituelle, bien que non fautive, qui ne ravira pas forcément ceux qui sont habitués à des lectures qu’on qualifierait de faciles.

Le propos est des plus intéressants.

Le récit consiste en un monologue de Jérôme Jauréguy, ouvrier imprimeur récemment licencié, à l’adresse du Juge. On devine donc que l’intéressé a des démêlés avec la justice sans savoir précisément lesquels mais la direction de ce monologue livre des indices, plus ou moins révélateurs.

Le procédé est habile car le lecteur est mis en position de juge.

L’imprimeur raconte, raconte, raconte encore. Des anecdotes plus ou moins lointaines qui illustrent combien il est en souffrance face à l’injustice et à la dureté du monde des humains. Son seul refuge consiste en la cour d’école primaire qui jouxte son misérable logis…

Cette proximité enfantine lui apporte la paix dont certaines difficultés psychologiques, voire psychiatriques, le privent souvent.

Le décor se plante doucement, on ne saisit pas tout dès les premières pages. Mais lorsque ce décor est planté : un déséquilibré en proie avec la justice qui se plait à la présence des enfants, l’imagination se délie de façon plus ou moins malsaine et interroge le lecteur : quel genre de juge êtes-vous face à cet homme ?

C’est l’enjeu du récit et c’est un enjeu dans la vie de tous les jours puisque nous devons effectivement composer avec des personnes qui souffrent de plus en plus, de plus en plus fort, de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps.

Sommes-nous pour elles une oreille attentive ou un juge implacable bourré de préjugés ?

La question demeure bien après la fin du récit…

A propos de l’auteur

Victor Kathémo est un écrivain et un dramaturge français né à Bukavu dans la région des Grands lacs d’Afrique. Il est à l’origine d’une bibliographie fournie et variée dont plusieurs romans et pièces de théâtre qui lui ont valu diverses distinctions dont le prix du jury Saint-Estèphe.

L’air du monde, de Victor Kathémo est publié par les éditions Myriapode.
Le livre broché de 210 pages est vendu 19 €.
Paru en février 2019.